Comment faire figurer la beauté du pays de ses origines, où elle n’y vit plus ? L’univers de la photographe Renata Charveriat n’est pas de représenter le monde visible mais de transmettre à travers son regard, l’aspect sensible des choses, de son environnement afin de rendre à la représentation, une nouvelle puissance. Elle s’écarte du paysage en sélectionnant un détail, où un excès de lumière peut annoncer le côté obscur de l’ombre.
Renata aime la lumière franche presque aveuglante tout en laissant une ombre au tableau si l’on veut jouer avec les mots. Cette part d’obscurité se révèle par instant pour être devinée ou parfois volontairement saisie, et visible comme celles des enfants, dans une cour de récréation.
La lumière embrase l’image et pousse volontairement les éléments à exploser mais tellement transformés qu’ils intriguent et questionnent : une nature luxuriante constitue l’essentiel, en apparence, car au-delà de ce qui est présenté, se cachent dans les jeux de plis, une musicalité dans les lignes et dans les rythmes. Dans les interstices, loin des falsifications, ce qui fait naitre ce qui est révélé par la photographe fait disparaitre la distance qu’elle entretient avec son port d’attache. Elle ouvre la porte à l’art de la périphérie et interroge les aspects hybrides. La photographe détourne et détoure les figures, hors de la ressemblance nette. Ses dernières séries photographiques sont conçues comme un outil pictural fort, porteur d’un mystère, poussant le regardeur à se mettre en mouvement comme l’effet du pan qui serait ces interstices, à peine dévoilés où l’on entend l’appel du pays : un détail entre deux univers, deux temporalités, d’une pliure de l’espace. Renata laisse hors champ de larges pans de la réalité : elle a choisi volontairement de ne montrer que l’adret, face éclairée de la montagne, le versant de l’histoire, liée à l’enfance sur une île au Brésil, qui bénéficie de la plus longue exposition du soleil.
Renata sème alors dans ses parties cachées, des indices qui germeront d’où Eclosions, titre de l’exposition, sorte d’éveil ou des bribes de réponses à une quête. Elle trouve alors dans l’usage de la photographie, un terrain favorable à son épanouissement. Ce terrain de jeux à l’évidence est l’ouverture à la maturité où chaque nouvelle expérience photographique balaie la question de l’enracinement pour des instantanés qu’elle tisse transversalement.
Ils en deviennent les traces d’un éternel recommencement.
Nathalie Gallon